Les élections permettent-elles de changer la société ?

Dans les Etats dits « démocratiques » les élections rythment la vie politique avec une grande fréquence. Elles sont présentées comme le moyen par lequel la population peut choisir ceux qui la représentent et décider ainsi des choix et des orientations de la société.

Même quand elles ne sont pas entachées par des fraudes plus ou moins massives, les élections ne sont au mieux qu’un pâle reflet très déformé de l’opinion publique, certainement pas un moyen de transformer la société.

Au fil du temps, les classes possédantes, à l’origine méfiantes vis-à-vis du suffrage universel qu’elles ont longtemps refusé, ont élaboré des systèmes électoraux permettant qu’une équipe de politiciens respectueux de l’ordre social remplace la précédente quand celle-ci s’est usée au pouvoir.

Pour commencer, une fraction des classes populaires est écartée du droit de vote faute d’avoir la nationalité du pays où elles vivent et travaillent. De très nombreux autres travailleurs, désabusés par les trahisons successives des partis qui prétendaient les représenter, ne votent plus et ne sont même pas inscrits sur les listes électorales.

Les modes de scrutins, qui exigent de dégager des majorités absolues et poussent aux alliances et aux reports entre les deux tours, ou encore le découpage des circonscriptions, contribuent à diluer le vote des travailleurs même quand ils sont décidés à s’exprimer. Avec sa richesse, la bourgeoisie finance par de multiples canaux les grands partis qui défendent ses intérêts. Avec ses chaînes de télévision, ses médias, ses intellectuels dévoués ou appointés, elle influence l’opinion des classes populaires. Avec leur bulletin de vote, les opprimés n’ont finalement le droit, pour reprendre une expression de Lénine, que de choisir ceux qui participeront à leur oppression au cours des années suivantes.

Cela découle d’une raison plus fondamentale encore : les élus aux divers échelons de la machine de l’Etat ne sont que du petit personnel qui gère les affaires courantes de la bourgeoisie. Ceux qui assurent la permanence du pouvoir, ceux qui prennent les décisions qui engagent la vie et l’avenir de dizaines de milliers de personnes ne sont pas élus. Ce sont, d’une part, des hauts-fonctionnaires, des magistrats, des officiers supérieurs de l’armée ou de la police, issus eux-mêmes, généralement, des classes riches. Et le véritable pouvoir dans la société, ce sont les propriétaires des moyens de production, des entreprises ou des banques dont chaque décision économique ou stratégique a plus d’importance que celle des ministres.

C’est bien pourquoi, les travailleurs ne pourront changer leur sort ni en changeant de Président ou de députés, ni en changeant la constitution ou les institutions, mais en contestant directement la dictature de la bourgeoisie sur toute la société. Ils ne pourront le faire qu’à travers une révolution qui devra détruire l’appareil d’Etat taillé sur mesure pour la bourgeoisie. Les élections ne sont, au mieux, qu’une tribune pour faire entendre les intérêts des travailleurs et un sondage grandeur nature pour mesurer un peu son opinion.