Égalité réelle : les classes populaires devront attendre longtemps

Article du journal de La Réunion
02/11/2022

Le 11 octobre dernier a eu lieu, à l’Assemblée, l’approbation en première lecture du projet de loi sur « l’Égalité réelle ». Ce texte qui part du constat que 70 ans après la départementalisation les écarts et les retards entre La Réunion et la métropole sont toujours très importants propose de réaliser l’égalité par étapes…d’ici 20 ans.

Avec cette loi, la ministre des Outremers et ex-secrétaire d’État à « l’Égalité réelle », Éricka Bareigts, prétend vouloir écrire « une nouvelle page de l’histoire » du « combat » pour l’égalité avec la métropole. Dans son discours qui a précédé le vote à l’Assemblée nationale elle a fait référence à la Déclaration des Droits de l’Homme, aux sacrifices des Neg’Marrons, à Victor Shoelcher, à Montesquieu, aux députés porteurs de la loi de 1946, pour expliquer que ce combat n’est pas terminé et que son gouvernement s’emploie à réparer cette injustice. « Pour eux, pour nous, pour tous, dit-elle, l’égalité réelle n’a pas vocation à demeurer une lueur aussi lointaine qu’inaccessible ! ». Mais avec ce que propose le gouvernement les contours de l'égalité sont à peine perceptibles pour les classes populaires et les quelques mesurettes contenues dans sa loi ne vont certainement pas réduire le taux chômage, de pauvreté, d'illettrisme ou celui de la mortalité infantile encore supérieur à celui de la métropole.

Mais qui peut croire que les classes populaires des territoires d’Outremer, où vivent 2 750 000 personnes, aient encore des illusions dans la politique du gouvernement qui consiste, comme tous les autres qui l’ont précédé, à creuser l’écart entre les pauvres et les plus riches ? D'ailleurs, les seules mesures concrètes de cette loi sont en faveur des capitalistes comme la création de zones franches globales qui leur offriraient encore plus d'avantages fiscaux et sociaux.

La ministre de l'Outremer se gargarise aujourd'hui « d'égalités ». Mais n'est-ce pas au nom « d'inégalités voulues », ou bien pour prendre un terme à la mode de « spécificités locales » que les gouvernements qui se sont succédé depuis la départementalisation ont refusé sciemment d'appliquer in extenso les lois quelques peu favorables aux travailleurs ? C'est sous prétexte de ne pas fragiliser l'économie locale, c'est-à-dire de ne pas toucher aux profits patronaux, que le Smic n'a été aligné qu'au bout de cinquante ans ; que la plupart des conventions collectives ne sont toujours pas étendues aux travailleurs des DOM. C'est par mépris aussi pour les plus pauvres que l'indemnisation du chômage a été instauré seulement en 1980, treize ans après l’ordonnance du 19 juillet 1967 relative aux garanties de ressources des travailleurs privés d’emploi ; que le gouvernement socialiste de Jospin a mis deux ans pour réaliser l'égalité du RMI... douze ans après sa création ! Et c'est bien sûr aux noms de ces mêmes « spécificités » que l'État couvre de cadeaux, par milliards, les capitalistes installés en Outremer depuis des décennies.

Lorsque qu’Éricka Bareigts déclare que « l'égalité ne se décrète pas mais se bâtit » c'est une manière de prôner encore la patience aux classes populaires et de renvoyer toujours à plus tard la mise en place de réelles mesures pour l'amélioration substantielle des salaires et des conditions de vie des travailleurs.

La ministre de l'Outremer jure, la main sur le cœur, que la loi sur l'Égalité réelle n'est pas une décision électoraliste. Personne ne peut la croire, cette loi ressemble à un nuage de fumée destiné à camoufler les attaques menées par son gouvernement contre les classes laborieuses et qui les tirent encore plus vers le bas au profit des classes riches.

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